Zenaïde Evguenievna Lanceray Serebriakoff
Zénaïde Serebriakoff est une artiste russe, membre du "Monde de l'Art", l'une des premières femmes russes à entrer dans l'histoire de la peinture. Elle naquit dans la propriété familiale de Neskoutchnoïe (littéralement Sans-Souci), près de Belgorod. Elle est née dans une famille où l'on disait : "Tous nos enfants naissent un pinceau à la main."
Elle est française par ses origines tant du côté paternel que maternel et appartient à une célèbre lignée d'artistes. Son père, le sculpteur animaliste Eugène Pavlovitch Lanceray, était le fils d'un officier de la grande armée de Napoléon qui fut blessé, fait prisonnier à la bataille de la Moscova en 1812 et resta en Russie. Sa mère était Catherine Benois Lanceray (1850-1933) graphiste, soeur de l'architecte Léon Benois et du peintre décorateur de théatre et critique Alexandre Benois, fondateur du "Monde de l'Art". Son grand-père maternel était l'architecte Nicolas Benois, ses frères Nicolas Lanceray un architecte reconnu et Eugène Lanceray un peintre, graphiste, muraliste de talent. Sa cousine germaine Nadejda Benois Ustinov est la mère de l'acteur et écrivain britannique Peter Ustinov.
Après être sortie du lycée féminin en 1900, elle entra à l'école d'art fondée par la princesse Maria Tenicheff, dont la propriété à Talachkino était un rendez-vous d'artistes, et fut l'élève de Répine et de Braz. Elle voyagea en 1902-1903 en Italie et s'établit à Paris en 1905-1906, où elle étudia à l'Académie de la Grande Chaumière. Elle venait alors d'épouser son cousin germain, Boris Anatolievitch Serebriakoff, futur ingénieur des chemins de fer de l'Empire russe. Leur fils Alexandre Serebriakoff et leur fille Catherine Serebriakoff furent également des peintres de renom.
Ses premiers tableaux cherchent à exprimer la beauté du monde. Dans les années 1914-1917 elle peint la campagne russe et les traditions populaires, avec des formes fréquemment monumentales. Elle a peint également des portraits et des nus. En 1909, son autoportrait "A la toilette" (Galerie Tretiakov), d'une modernité surprenante, fut montré lors d'une exposition du Monde de l'Art et attira l'attention sur ses créations. En 1916, Alexandre Benois reçoit une commande pour la peinture de la gare de Kazan à Moscou, il invite Eugène Lanceray, Boris Kustodiev, Mstislav Doboujinsky et Zénaïde Serebriakoff à participer à l'œuvre. Zénaïde prend le thème de l'Orient et représente des allégories de l'Inde, du Japon, de la Turquie et du Siam sous la forme de belles jeunes femmes.
Zénaïde Serebriakoff se trouve dans la propriété familiale de Neskoutchnoïe, lorsqu'éclate la Révolution d'Octobre et sa vie se trouve brutalement transformée. Son mari Boris est emprisonné par les bolchéviques et meurt en 1919 du typhus, contracté dans les prisons. Ruinée après la confiscation des biens familiaux et sans un sou avec quatre enfants et sa mère malade à charge, elle est obligée d'abandonner l'huile pour dessiner au fusain et au crayon. Elle refuse de dessiner dans le style futuriste en vogue ou de faire les portraits de commissaires politiques puissants et trouve un emploi au musée archéologique de Kharkov, où elle est chargée de reproduire les collections du musée. Elle décide de déménager à Petrograd en décembre 1920 chez son grand-père. Son grand appartement a été divisé en chambres communautaires (les kommunalka) qui ont été attribuées à des artistes et acteurs du théâtre d'art de Moscou. Zénaïde, en partageant cet appartement communautaire, dessine leurs portraits et reprend des forces morales. Cependant la situation empire et la famine s'installe dans la ville du fait de la guerre civile entre les communistes et les armées blanches. Ayant reçu commande d'un grand panneau décoratif, elle se résout à émigrer à Paris à l'automne 1924. Toutefois Zénaïde Serebriakoff ne peut plus retourner en Union Soviétique où sont restés ses enfants et sa mère (ses deux cadets la rejoindront plus tard). Elle profite de voyages en Afrique, grâce à l'invitation du baron Jean de Brouwer, son mécène belge, en 1928 et en 1930 et se rend au Maroc. Elle est fascinée par les paysages de l'Atlas et dessine des femmes arabes et des paysages aux couleurs vives. Elle séjourne en Bretagne en 1925 et 1926 et y revient à partir de 1934. À cette époque, elle peint un cycle de tableaux voués à la Bretagne et aux marins, représentant aussi de nombreux portraits de Bigoudènes.
Venue en France en 1924 avec un passeport soviétique, elle réussit, en 1933, à obtenir un passeport de réfugiée russe Nanssen. Elle dépose sa première demande de naturalisation, le 13 mars 1933. Après la Seconde Guerre mondiale et l’Occupation, Zénaïde Serebriakoff renouvelle sa demande de naturalisation française le 24 juin 1946. Elle met alors en avant ses origines françaises et le fait qu'elle a toujours été attirée comme artiste peintre par la France où elle a fréquenté l'académie de peinture dans sa jeunesse et où elle réside depuis 24 ans. Elle a alors 65 ans. Elle est naturalisée par décret du 17 janvier 1948, en raison de sa longue résidence en France et de la naturalisation de son fils Alexandre, le 24 août 1947, et de sa fille Catherine, le 20 juillet 1947.
Après la mort de Staline elle arrive à reprendre contact par courrier avec ses proches restés en Union Soviétique et profite du dégel Khrouchtchevien. En 1960, après 36 ans de séparation, sa fille Tatiana (Tata) qui était devenue décoratrice de théâtre au Théâtre d'art de Moscou, a été autorisée à lui rendre visite. Une grande exposition rétrospective de ses œuvres s'est tenue en URSS, organisée par sa fille Tatiana,. À partir de 1966, ses tableaux sont de plus en plus exposés en Union soviétique, surtout à Moscou, Léningrad et Kiev.
Elle signait habituellement ses toiles : Z. Serebriakova en caractères latins ou cyrilliques. Elle se faisait aussi appeler à l'ancienne manière française de transcription des noms russes (usitée jusque dans les années 1960) Serebriakoff avec deux f.
Elle est décédée d'une hémorragie cérébrale.