logo comité d'entretien des sépultures orthodoxes russes

andrei alexeïevitch amalrik

Écrivain russe, il contestait le régime soviétique par écrit : ses essais dérangeaient, tel L’Union soviétique survivra-t-elle en 1984 ? (1970). Il fut également l’un des fondateurs du mouvement démocratique soviétique.

Andreï Amalrik naît dans une famille d'intellectuels d'origine française. En 1960, ce fils et petit-fils d'historien s'engage dans des études d’histoire et intègre l’université de Moscou en 1962-1963. Brillant, mais refusant de suivre servilement l’histoire officielle(selon laquelle la Rous' de Kiev était un État russe ne devant quasiment rien à des influences étrangères), il soutient sa thèse sur les origines de l’État russe Les Normands et la Rous' de Kiev (russe : Норманны и Киевская Русь). Il y défend que les Varègues et Byzance y avaient plus d'importance que les Slaves1,2. Cela lui vaut d’être exclu de l’Université, espionné et interrogé par deux fois par le KGB. La carrière universitaire lui est dès lors fermée : catalogué comme « citoyen indigne de la confiance du peuple soviétique », il exerce plusieurs petits métiers (gardien de nuit, standardiste, homme de ménage, livreur, chauffagiste...), tout cela entrecoupé de périodes sans emploi, non rémunérées, qu'en URSS l’on n’appelle pas « chômage » , mais « vie antisociale et parasitaire », délit puni de déportation au Goulag. Il est condamné en 1965 à deux ans et demi de Sibérie pour « parasitisme », après avoir écrit des pièces de théâtre contraires à l'art officiel communiste et rencontré des artistes d'avant-garde. Il y rencontre sa femme Gusel Makudinova. Il est finalement libéré au bout de seize mois et écrit un livre sur sa détention, Voyage involontaire en Sibérie.

À l’issue de sa peine, il travaille comme correspondant indépendant pour l’agence de presse Novosti à Moscou et rédige, à partir de 1968, différents articles, toujours aussi critiques sur le régime soviétique. Entre autres, Le Procès des quatre («Процесс четырёх») est un ouvrage co-écrit avec Pavel Litvinov (ru), consacré au procès des quatre personnage littéraires de samizdat : Alexandre Ginsburg, Iouri Galanskov, Alekseï Dobrovolski (ru) et Vera Lachkova (ru). Ces ouvrages clandestins parviennent par des voies détournées en Occident : Le procès des quatre est publié à Amsterdam par la Fondation Herzen en 1971, tandis que le recueil d'articles L’Union soviétique survivra-t-elle en 1984 ? est publié en France en 1970. Il est renvoyé de son poste de journaliste pour avoir manifesté en faveur du Biafra.

Ces ouvrages surprennent par la précision de leurs informations sur la vie soviétique et choquent profondément la partie de la gauche qui voulait encore croire que l'URSS était, sinon « le paradis des travailleurs », du moins un système au « bilan globalement plus positif que celui du capitalisme ». Amalrik y dénonce les réalités du communisme vécu : une nomenklatura6 profitant indument d’avantages dont le peuple est privé, une armée et surtout une police politique hypertrophiées, improductives et coûteuses, une bureaucratie figée, une classe moyenne trop peu développée et les faiblesses de la compétition avec l'Ouest3. Il choque en employant les termes de « classe des spécialistes » « classe moyenne » et « classes inférieures » pour parler de l'URSS, à rebours de l'idéologie officielle2. Ce régime, selon lui, a depuis longtemps tourné le dos aux idéaux communistes et ne survit que par la coercition, de sorte que pour les peuples soviétiques, les identités nationales, les traditions ancestrales et les religions apparaissent comme les seuls repères porteurs d’espoir. Plus tard, dans plusieurs interviews, Amalrik estime que, face à « l’impasse du présent et au danger du retour au passé », l’étouffement du « printemps de Prague » et donc du « socialisme à visage humain » qui visait à établir les libertés fondamentales, la souveraineté populaire et un état de droit, prive le bloc communiste de sa dernière « alternative d’avenir » et que désormais, tout signe de libéralisation devra être analysé non comme un signe d’espoir et de réforme possible, mais comme un signe d’affaiblissement et de délitement.

Dans L’Union soviétique survivra-t-elle en 1984 ?, Amalrik prévoyait la désintégration de l'Union soviétique en raison des tensions sociales, de la séparation des nationalités non-russes de l'Union, et d'une guerre avec la République populaire de Chine. À l'exception de cette guerre, ses prédictions se sont révélées justes : démembrement de l'Union, d'abord dans la Région de la Baltique, le Caucase et l'Ukraine, puis les États d'Asie centrale ; réunification allemande ; ou encore le fait que les dissidents n'accèdent pas au pouvoir par la suite. Les occidentaux réagissent d'abord prudemment à cet essai d'Amalrik : beaucoup pensent qu'il n'est qu'un pion du KGB. C'est seulement sa deuxième déportation qui lève les soupçons7. Alors qu'il prévoyait un effondrement de l'URSS entre 1980 et 1985, Amalrik concède des années plus tard avoir sous-estimé la flexibilité du Kremlin, et au contraire surestimé les capacités militaires chinoises.

1. La publication de son livre en Occident vaut à Amalrik une condamnation de trois ans au Goulag, dans la Kolyma, oblast de Magadan. Le dernier jour de sa peine, le 21 mai 1973, un nouveau dossier est ouvert contre lui et en juillet 1973, on ajoute encore trois ans à sa condamnation. Toutefois, quatre mois plus tard, la condamnation est adoucie, en raison de la pétition du PEN club international et de la grève de la faim entamée par l’écrivain, en deux ans de relégation près de la localité Talaïa, toujours dans la Kolyma, mais hors des camps. Il est libéré en mai 1975.

Rentré à Moscou, Andreï Amalrik, qui clame son intention de reprendre ses critiques écrites « tant qu’elles seront nécessaires », mais qui est désormais répertorié par Amnesty international et connu à l’étranger, est expulsé d’URSS en juillet 1976, vers les Pays-Bas. Il y réside dans une famille d’origine française. Son travail littéraire continue et comprend notamment un livre de mémoires Les Notes d’un dissident («Записки диссидента»).

Il meurt dans un accident de voiture en Espagne le 12 novembre 1980, alors qu'il se rendait de Marseille à Madrid, afin d'assister à une conférence pour exiger l'application des accords d'Helsinki. Sa femme ainsi que les deux dissidents Viktor Feinburg et Vladimir Borisov se trouvaient dans la voiture au moment de l'accident et n'ont pas été blessés. Les circonstances sont difficilement explicables et ses proches pensent qu’il a été provoqué, cette méthode pour se « débarrasser des gêneurs » étant fréquemment employée par les agents du KGB, mais cela n'a pu être démontré.

Source Wikipedia FR et RU