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Constantin Weriguine

La famille Weriguine est l'une des plus anciennes de Russie et a recu des grades et des domaines pour son dévouement à la patrie. La collection du Musée russe contient une icone-portrait du boyard-intendant des tsars Alexei Mikhailovitch et Pierre le Grand - Fédor Weriguine, peint au XVIIè siècle. Les ancêtres de Constantin Mikhailovitch Weriguine ont servi dans la marine et l'armée. Son grand-père Constantin Mikhailovitch(1813-1882) épousa Maria Ivanovna Pokhisvena (1838-1896) et par ce mariage fut apparenté aux familles Tatistcheff, Naryshkine, Kologrivov, Chelishchev, Ogarev, Netchaeff, Novossiltseff. Son père Mikhaïl Constantinovitch Weriguine, lieutenant du régiment de hussards de la Garde avait avait hérité d'une propriété familiale dans l'oblast d'Orel. Il épousa une tzigane à la voix extraordinaire, soliste du chœur Chichkine, Domna Alekseevna Massalsky (1872-1960), ce pourquoi il dut démissionner. Ils eurent trois enfants-Constantin, Michel et Olga.

Constantin Weriguine enfant avec son frère Mikhail et sa sœur Olga

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Constantin Weriguine jeune

Après la naissance de leur premier enfant en 1899 Mikhaïl Constantinovitch achète au nom de sa femme un terrain à Yalta. Une élégante maison à deux étages dans le quartier-Chugurlak avec une tour et avec quatorze pièces, y est rapidement construite. L'architecte du batiment est L. N.Chapovalov qui avait auparavant construit la Datcha blanche de Tchekhov. La maison des Weriguine se distingue par sa riche décoration-bronzes, tapis, vases de la manufacture de Sèvres, livres reliés en cuir. Certains de ces objets sont aujourd'hui visibles dans la collection du Musée d'art de Sébastopol. La famille déménage à Yalta après la mort du père en 1911. A Yalta, alors qu'il est encore un garcon de sept ans, un univers d'odeurs étonnantes s'ouvre à lui. Dans le palais des parents Netchaeff-Novosiltseff sa tante Olga lui permet d'explorer le contenu de tous ses flacons de parfums en cristal aux odeurs enivrantes. Il est même autorisé à mélanger les contenus et a créer une nouvelle odeur. Plus tard, Weriguine écrira : "Dès l'âge de sept ans, j'ai fermement décidé de créer moi-même des parfums". Il se souviendra de son enfance dans un domaine familial de la région d'Orel comme d'un paradis de lilas et de champs fleuris... Il se souvient des odeurs des magnolias de Yalta et des herbes de montagne, de la fraicheur des couchers de soleil du soir et de l'air marin. Il ne sait pas encore qu'il fera son métier de cette connaissance du monde à travers les odeurs.

Diplomé du lycée de Yalta avec le grade d'enseigne dans un régiment de grenadiers, il rejoint l'Armée des volontaires dans le corps du général Barbovitch et part en guerre. Il participe à la défense de Livadia et d'autres territoires de Crimée. Sa soeur Olga a tenu un journal pendant toute sa vie dont voici un extrait : "Nous avons célébré le Nouvel An chez V.V.Konchine, Alexandre Vertinsky a chanté toute la nuit. Mais le 9 nous ne pûmes pas retourner à nos études, des émeutes ont éclaté. Des marins ont tiré sur la ville depuis un destroyer et il y a eu une fusillade dans les rues. Les soldats de l'Armée rouge ont attrapé des officiers, les ont abattus et les ont jetés à la mer depuis le quai . Le 14 janvier il y a eu des fouilles, ressemblant plutôt à des pillages..." La famille fait alors partie des exilés russes via Constantinople, Malte, et Belgrade. Sur le navire"Crimée", ils quittent la Russie pour toujours. Leur frère Michel restera en Russie soviétique et ne reverra plus jamais sa famille, il décédera en 1943. Fin 1921, après avoir reçu un visa, Constantin Mikhailovitch arrive en France. Un peu plus tard, sa famille le rejoindra à Paris. Son rêve d'enfant de créer des parfums le conduit à l'Université catholique de Lille où il obtient en 1924 un diplôme d'ingénieur chimiste. Il fait un stage à la parfumerie "Marquise de Luzy"où il est très apprécié. Il tente de trouver un emploi dans la parfumerie, sans savoir à quel point ce monde est fermé et secret. Il lui faudra alors travailler dans une usine de peinture pour subvenir aux besoins de ses proches.

La famille vit à Clamart, où sa soeur Olga rencontre Alexei Nikolaevitch Mojaïsky, neveu du philosophe Nikolai Berdiaev. Le 14 novembre 1925, le père Serge Boulgakov les marie à l'église Saint Serge Paris. C'est Olga qui va aider son frère à entrer dans le monde de la parfumerie. Parmi ses invités se trouve un parent éloigné, le baron von Fitenhof, qui connait tout le "monde russe" de Paris. Il présente Сonstantin Mikhailovitch à Ernest Beaux, ancien parfumeur du tsar, créateur du "Bouquet Napoléon" en 1912 et de nombreux parfums, dont le légendaire Chanel N°5. Quelques jours plus tard, Weriguine est invité par le gérant de la maison Chanel -le comte Serguei Alexandrovitch Golenishchev-Koutouzov. Suivent neuf ans dans le laboratoire de la maison Bourgeois, sous la direction d'Ernest Beaux, qui constituent une période bénie de sa carrière. Il reçoit le statut officiel de "parfumeur-inventeur" donnant droit à la paternité des parfums. Weriguine a travaillé pendant trente-cinq ans dans la maison Chanel, contrôlant la qualité des parfums produits, l'achat des essences et huiles, créant des bases de données de parfums. Il a traversé des épreuves difficiles pendant la guerre : appelé au service du travail obligatoire, il est envoyé par les Allemands dans une usine chimique à Munich. Après la guerre, il travaille aux Etats-Unis, remplaçant Ernest Beaux dans les usines Chanel-Bourgeois qui y sont ouvertes. Il est élu président de l'Association des parfumeurs de France et, jusqu'à la fin de sa vie, il restera vice-président de la Société française des parfumeurs. Ses collègues l'appelaient le "poète des parfums". En 1965 Weriguine écrit le livre "Souvenirs et parfums : Mémoires d'un parfumeur" que sa fille Irina publiera en russe à Moscou. Ce fut la véritable découverte d'un compatriote totalement inconnu en Russie soviétique. Dans son livre, il écrit : "Je ne peux que souhaiter que mon travail attire l'attention des jeunes et leur révèle le lien étroit entre notre vécu et notre odorat. Le parfum, tout comme l'honneur, doivent s'acquérir et se conserver dès le jeune âge". En Russie C. Weriguine est souvent considéré comme co-créateur des parfums d'Ernest Beaux tels que - "Soir de Paris" - 1928, "Bois des Iles" - 1926, "Ramage" - 1951, "Glamour" - 1953. En effet il travaillait en équipe avec Ernest Beaux qu'il considèrait comme un génie. Constantin Weriguine a créé le parfum à grand succès "Mais oui" qui sortit d'abord aux l'Etats-Unis puis en France en 1947. La demande pour ce parfum fut telle qu'ils créent divers produits dérivés - savons, eau de Cologne, poudre et lotions. La même année parut "Miss Dior". Les parfums de Weriguine ont été produits jusqu'en 1968. Il créa plus d'une trentaine de parfums dont "Printemps de Paris", "Folies Bergère", "Christmas in July", "Flamme", "Vacances romaines". Ses fragrances sont aujourd'hui conservées à l'Osmothèque de Versailles où on peut les sentir. Lors d'une soirée dédiée à sa mémoire à la Société des parfumeurs de France le 20 janvier 1983, il fut dit : "C'était un vrai seigneur, peut-être le dernier. Il était pénétré des odeurs de la vie".

Parfums de la maison Bourjois

Son épouse Sophie, née Chtchabelsky et leurs enfants Michel et Irène, sont enterrés dans la même tombe.