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Dimitri Semionovitch Stelletsky

Dimitri Stelletsky est né dans la famille d'un ingénieur militaire. Les membres de cette famille appartenaient à l'ancien clan légendaire des Eleozorov. L'enfance de Stelletsky s'est passée dans le domaine de son père, non loin de Belovezhskaya Pushcha. En 1896, il entre à l’Académie des Beaux-Arts de Saint-Pétersbourg. Fortement intéressé par les racines byzantines de l’art russe, il recopie le « Dit du Prince Igor » et l’illustre avec des miniatures, œuvre achetée par la Galerie Tretiakov. A partir de 1900, Dimitry Stelletsky, seul ou avec son ami Boris Kustodiev, se rend périodiquement dans les anciennes villes et monastères russes: en 1903, lui et B. M. Kustodiev visitèrent Novgorod, en 1907 D. S. Stelletsky visita seul les monastères de Ferapontov et Yuryevsky, parcourut le nord de la Russie, écrivant ses impressions et faire des croquis de fresques monastiques et d'icônes. Après avoir obtenu son diplôme universitaire (1904), il part pour Paris. Il fréquente l'académie de R. Julien, en espérant obtenir un emploi à la manufacture de Sèvres, mais il n'y parvient pas et il retourne en Russie. Entre 1908 et 1910 il travaille souventes pour des théâtres et opéras, en réalisant entre autres des esquisses de scénographiе pour le Théâtre « Alexandrinsky » et pour le Théâtre « Mariinsky ».

En 1914, D.S. Stelletsky fait un voyage en Italie et en France. La France, ou plutôt la petite ville de La Napoule près de Cannes, devient son refuge pour le reste de sa vie. Il écrit ce qui suit à propos de son émigration forcée : « Le climat du sud, la nature et mes activités dans un pays étranger sont loin de mon goût. Me voici coupé des racines de mon talent, de la Russie, mon âme chère et proche. Je n'ai pas assez d'air russe, de champs russes et, surtout, de peuple russe. J'ai toujours été inspiré uniquement par le travail pour la vie russe et les affaires russes ».

Après avoir fondé la société « L’Icône » avec un groupe d’amis en 1925, il peint des icônes et des fresques pour les églises russes, pour l’Eglise de l’Institut de Théologie Orthodoxe Saint-Serge à Paris (93 rue de Crimée) décorée entièrement entre 1925 et 1927 avec l’aide de la princesse Hélène Sergueïevna Lvoff, puis les iconostases de l’Eglise de la Résurrection de Grenoble (1938) et celle de l’Eglise de Saint Raphaël ainsi que bien d’autres encore.

Une longue et grande amitié lia pendant des années le peintre et iconographe Dmitri Stelletsky avec le compositeur Igor Stravinsky. En effet, ils travaillèrent tous deux à la même époque dans les prestigieux ballets russes de Serge de Diaghilev lui aussi expulsé de Russie par les bolcheviks. Dimitri Stelletsky procurait aux ballets russes de Diaghilev, la beauté sublime de ses décors. C’est pourquoi le musicien hors normes Igor Stravinsky (1882-1971), pendant les années 1931-1935 où il vécut à Voreppe situé à 25 kms de Grenoble, vint sans nul doute prier à l’Eglise de la Résurrection du Christ car étant orthodoxe, il avait lui aussi été contraint de quitter la Russie en 1917 sous la menace mortelle des bolcheviks. La musicienne Nadia Boulanger, sœur de Lili, compositrice, disait de Stravinsky, qu’il était fanatiquement croyant. La contemplation de la beauté théophanique des Alpes, apporta à Igor Stravinsky l’apaisement de l’âme dont il avait besoin, à la Villa de la Véronnière (actuellement Médiathèque Stravinsky), après son amitié tumultueuse avec Serge de Diaghilev, lors de la création des ballets russes avec Nijinsky, Stelletsky, Coco Chanel et Balanchine, Michel Fokine, Léonide Massine, Serge Lifar.

Le 1er octobre 1938, Stelletsky achève l’iconostase de l’église russe de la Résurrection à Grenoble (5, avenue de Vizille), le p. Georges Choumkine (1894-1964) étant alors son recteur. L’église avait été fondée dix ans plus tôt, en 1927, sur décision du Métropolite Euloge, afin de desservir les Russes de Grenoble même, de Rives et Rioupéroux en Isère, d'Ugine en Savoie, et d'Argentière-la-Bessée dans le département des Hautes-Alpes. Ces communautés russes étaient composées essentiellement d’officiers et soldats de l’armée Wrangel démobilisés et exilés, qui avaient obtenu auprès d’agences de recrutement dépêchées par ces usines à Constantinople et dans les Balkans, de maigres contrats de travail dans les diverses usines de ces importants centres industriels alpins en France. L’église Saint-Tikhon-de-Zadonsk à Rioupéroux, dans la vallée de la Romanche, a été fondée après celle de Grenoble, vers 1928, grâce à l’énergie du Général Lev Lvovitch Illiachevitch (1877-1936). L’iconostase de Grenoble est sans conteste le plus modeste de ceux peints par Stelletsky, fait avec des moyens assez frustes, à l’image du mode de vie de ces anciens officiers, confrontés à la dureté et à la précarité d’une vie ouvrière qui empêchait de fait à ses membres de diversifier leurs activités, de fonder des familles, de croître et d’assurer une descendance.

En novembre 1943, au moment des évacuations partielles de la frange littorale, ou au plus tard en février 1944, au moment de l’évacuation totale du littoral azuréen par les autorités d’occupation allemandes en prévision du débarquement allié de Provence, Dimitri Semionovitch quitte temporairement La Napoule. Il rejoint l’Isère, probablement à Laffrey, avant de se retrouver à Allevard chez le père Valentin de Bachst. Il emporte avec lui la seconde version du « Dit du Prince Igor », les carnets de croquis et esquisses, laissant la plus grande partie de son fonds d’atelier sur place, semble-t-il à la garde de Russes dans la région d’Antibes. Il retourne à la paroisse du p. Georges Choumkine, toujours en fonction, et peint quelques icônes pour l’église. Durant la période d’août à octobre, Stelletsky se trouve à Allevard-les-Bains (Isère) au lieu-dit La Tour-du-Treuil quand il écrit à la matouchka du père Valentin de Bachst (1904-1963) — qui se trouvait peut-être au Fenouillet, dans les Cévennes, où le père Valentin avait acheté une maison juste avant la guerre — que son atelier a été anéanti par les Allemands en 1944. Pour les Bachst, il a peint une version des "Archers à cheval dans la Steppe", datée de 1944 (coll. part.) ainsi que l’iconostase de leur chapelle domestique (détruit, connu par des photographies).

Les deux dernières années de sa vie, passées par l'artiste dans la Maison russe de Sainte-Geneviève-des-Bois, ont été particulièrement difficiles pour lui. Dimitri Stelletsky est décédé presque aveugle.

Après la grande émigration des réfugiés russes vers la France à la suite de la Révolution et de la guerre civile, la famille Semenoff-Tian-Chansky (dont un des membres devint Monseigneur Alexandre) avait beaucoup soutenu le grand peintre, notamment en l’hébergeant.

L'icône sur la croix tombale aurait été peinte par le moine-iconographe Grégoire Kroug.